Recherche • Séminaire doctoral “La caisse à outils” • savoirs situés pour bricoler l’architecture et la ville
Présentation
La caisse à outils est un atelier mensuel qui propose d’interroger, en mêlant théorie et pratique, le mode de production de la connaissance et les instruments de représentation spatiale.
Sa démarche consiste à se tourner vers les épistémologies féministes, qui font reposer leur programme épistémique, articulé à un questionnement politique et éthique, sur la théorie du positionnement ou du point de vue. Les épistémologies féministes pensent ainsi la construction de la connaissance à partir des expériences vécues et mettent en œuvre une critique de l’universalisme abstrait et hégémonique, en en soulignant les angles morts et en interrogeant les conditions de possibilité de l’objectivité.
À partir de la métaphore de la vision, la penseuse américaine Donna Haraway déploie notamment une épistémologie féministe appuyée sur la notion de savoirs situés. Ces savoirs situés semblent reposer sur quatre aspects principaux. Tout d’abord, toute connaissance est issue d’une encorporation particulière, au sens où la corporalité est décisive dans notre engagement au sein d’une connaissance contextuelle et relationnelle. Ensuite, non seulement toute connaissance se doit d’être délimitée et localisable, mais seule la perspective partielle garantit une vision objective, contre toute prétention à un point de vue faussement universel et omniscient. En outre, les savoirs situés appellent une responsabilité : le positionnement désamorce toute prétention d’innocence et engage à répondre de ses actes, de ses écrits, de son point de vue. Enfin, ils requièrent une pratique critique de l’objectivité, qui invite sans cesse à interroger, déconstruire et reconstruire les connaissances et leurs méthodologies. Les savoirs situés incitent alors à susciter des versions du monde décalées, moins ordonnées par des rapports de domination.
Si les architectes et urbanistes peuvent être familier·ères de cette littérature et promeuvent souvent des approches incarnées, force est cependant de constater que l’architecture et l’urbanisme ne se sont que peu saisis de l’épistémologie des savoirs situés, n’en prenant peut-être pas suffisamment au sérieux la résonance dans le travail architectural et urbain. En quoi les savoirs situés, dans leur pluralité, leur hétérogénéité et leur épaisseur, permettent-ils d’appréhender la complexité de la production de l’espace ?
La caisse à outils se donne ainsi un double objectif de renseignement et de traduction. D’une part, il s’agit d’étudier le concept de savoirs situés, en prêtant une attention aiguë au détail des textes. D’autre part, l’enjeu est d’imaginer et de tester des manières concrètes de traduire ces thèses épistémologiques en outils de représentation spatiale.
Organisation
Les séances auront lieu un lundi par mois, de 17h à 21h, horaire susceptible de changer, dans l’espace de convivialité de l’espace doctorant·es de l’Institut Méditerranéen de la Ville et des Territoires de Marseille (IMVT).
La première séance sera toute entière consacrée à un arpentage, qui portera sur l’ouvrage Les savoirs situés de Sandra Harding et Donna Haraway. Science et épistémologies féministes de María Puig De La Bellacasa. Cette lecture collective nous permettra de constituer un sol commun pour le travail du semestre.
Les autres séances, thématiques, se dérouleront en deux temps. Pendant les deux premières heures, nous accueillerons des chercheur·euses, praticien·nes ou habitant·es qui viendront nous équiper conceptuellement et méthodologiquement sur des outils de représentation spatiale. Les deux heures suivantes seront ensuite consacrées à un atelier pratique : il s’agira de traduire plastiquement ces outils au prisme des savoirs situés, en élaborant un dispositif au fur et à mesure des séances.
La caisse à outils s’achèvera en juin par l’exposition du dispositif de vision fabriqué au fur et à mesure des séances, accompagnée de tables rondes. Cet événement, qui aura lieu soit dans la halle d’exposition de l’entrée de l’IMVT, soit dans la halle d’expérimentation du bâtiment de recherche, aura pour objectif de rendre compte de l’ensemble des réflexions et des travaux du semestre.
Installation
La caisse à outils a vocation à se matérialiser progressivement dans un dispositif d’exposition dont la présence corporelle au sein de l’espace des doctorant·es de l’IMVT servira de fil rouge aux ateliers.
Le projet relève ainsi de la fabrication d’un artefact cognitif potentiel – système de représentation conçu pour conserver, exposer et traiter la connaissance assemblée – visant à exposer les résultats de la recherche en train de se faire.
Trois axes guideront sa conception et sa fabrication :
- la traduction : les ateliers doivent aboutir à un ensemble de gestes de traduction – des outils de représentation par les savoirs situés – dont l’artefact proposera la spatialisation et le mode de visualisation d’ensemble ;
- la potentialité : l’artefact compose une structure mobile, modulable, et évolutive, mais aussi et surtout destinée à être investie par le commentaire et l’explication d’un atelier à l’autre, comme un jeu de ficelles ;
- l’expérience : l’artefact cognitif constitue une expérience de pensée à part entière, inscrite dans et ouvrant sur un espace à habiter.
diagramme conceptuel d’orientation de la recherche
Imaginaire de conception :
de gauche à droite : Nikola Woudstra, « Thesis : Two Ruins », 2003 ; Atelier « Rietveld Op Proef », avril 2021, Gerrit Rietveld Academie ; Thomas Hirschorn, « Lascaux III », 1997
Programme prévisionnel
- 12 février · Arpentage
séance d’arpentage, mené par le comité d’organisation - 11 mars · Variations cartographiques
avec les architectes et chercheuses Alexandra Arènes et Axelle Grégoire - 29 avril · Perspectives déjouées
avec la philosophe Jeanne Etelain (École des Beaux-Arts de Montpellier) - 18 mai · Relever (avec) le terrain
séance hors les murs, avec l’atelier de Stéphane Herpin (ENSA Marseille) et un collectif d’habitant·e. - 10 juin · Sortir la caisse à outils
exposition et tables-rondes avec Antoine Devillet (Bureau des guides), Serge Gutwirth (VUB) et Isabelle Stengers (VUB)
Comité d’organisation
Julie Beauté
doctorante en philosophie – ED 540 | ENS Ulm, Archives Husserl
Marida Borrello
doctorante en urbanisme – ED 355 | IUAR, LIEU et Università « La Sapienza » di Roma, Diap
Angéline Capon
doctorante en architecture – ED 355 | ENSA Marseille, Projetc[s]
Thomas Figuera
assistant de recherche, projet Dominia – Laboratoire LSTS | VUB Brussels
Mathieu Garling
doctorant en histoire et théorie des arts – ED540 | ENS Ulm, SACRe
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