Petite histoire naturelle de l’architecture

Mini-série de films par le pavillon de l’Arsenal

Série de 8 vidéos d’une minute  partir du 18 février 2021

pour comprendre comment le climat, les épidémies et l’énergie ont façonné la ville et les bâtiments

Le Pavillon de l’Arsenal invite Merci Alfred et Playground Paris à imaginer une série de courts films d’animation pour tous les publics de 7 à 77 ans à partir de l’exposition Histoire naturelle de l’architecture. À la fois pédagogiques et ludiques, ces vidéos racontent comment, depuis son invention au néolithique, la ville et l’architecture n’ont cessé d’être façonnées par le climat, les maladies, les invasions, les révolutions agricoles, les énergies disponibles ou même les éruptions volcaniques. Elles s’appuient sur le travail de Philippe Rahm, architecte et docteur en architecture, qui met en lumière le rôle des conditions naturelles, physiques, biologiques ou climatiques dans l’histoire de l’architecture, pour contribuer à imaginer demain une ville mieux armée pour répondre aux défis environnementaux et sanitaires. Chaque épisode répond à une question simple et surprenante, mais scientifique : pourquoi nos enzymes sont à l’origine de l’architecture ? Comment le blé à inventé les villes ? Pourquoi les petits pois sont à l’origine des cathédrales ? Pourquoi les arts décoratifs sont avant tout thermiques ? Pourquoi la peur des mauvaises odeurs a fait s’élever d’immenses coupoles ? Comment un brin de menthe est à l’origine de Central Park ? Comment l’éruption d’un volcan a créé la ville moderne ? Pourquoi le pétrole fait pousser des villes dans le désert ? Autant d’interrogations pour des histoires inédites qui interpellent tous les publics dans des films au ton décalé et à la mise en scène rythmée, ludique et colorée. Les collages, animés en motion design, permettent des rapprochements inattendus qui offrent des perspectives surprenantes mais toujours fondées.

Épisode 1 : Pourquoi nos enzymes sont à l’origine de l’architecture ?

18 février 2021

Pour comprendre l’origine de l’architecture, il faut revenir à notre condition « homéotherme » et à la nécessité de devoir maintenir notre corps à 37°C. Afin de garder une température constante, indépendamment des conditions extérieures, l’être humain compose entre ses moyens corporels internes que sont les différents mécanismes de thermorégulation (vasodilatation, sudation, contractions musculaires, sécrétion des catécholamines) et des moyens externes, en particulier l’alimentation, l’habillement, la migration et, bien sûr, l’architecture. Pour s’abriter des vents qui refroidissent la peau par convection, se protéger de la pluie qui accélère le refroidissement du corps par conduction ou se cacher du soleil dont les rayons brûlent par radiation, l’être humain construit des toits et parois.

L’architecture permet de confiner, entre sol, murs et plafond, une petite quantité d’air habitable, dont il devient possible de modifier la température sans trop d’efforts afin de la maintenir dans une zone de confort thermique, entre 20° et 28 °C. À l’ère moderne, l’utilisation du pétrole, la production d’électricité, le chauffage central et la climatisation, qui effacent les inconforts climatiques de l’environnement extérieur, rendent progressivement invisible la mission physiologique de l’architecture, induisant une consommation massive des énergies fossiles qui mène au réchauffement climatique. Aujourd’hui, pour faire face aux urgences écologiques, il convient de relire l’histoire de la discipline et ses perspectives sous le prisme de sa fonction originelle et fondamentale.

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Épisode 2 : Comment le blé a inventé les villes ?

Diffusion le 25 février 2021

Les premières villes naissent avec l’agriculture, au tournant du néolithique, à partir de 10 000 ans avant J.-C. Les êtres humains passent alors d’une société de chasseurs-cueilleurs nomades, migrant selon les saisons, à une vie d’agriculteurs et d’éleveurs. À l’origine de cette évolution, un adoucissement du climat. L’air humide provenant de l’Atlantique et de la Méditerranée provoque de fortes chutes de pluie dans l’ouest du Moyen-Orient : de l’Égypte à la Mésopotamie, jusqu’à Sumer et Babylone. Les plaines de ce « croissant fertile », ensoleillées et humides, se couvrent de végétation. De plus, le changement climatique fait disparaître la mégafaune (mammouths, aurochs ou éléphants d’Europe), source de protéines pour les hommes du paléolithique. La naissance des civilisations urbaines est donc liée à la présence de céréales – notamment du blé amidonnier Triticum dicoccoides, dont les grains, ne se détachant pas de l’épi, peuvent être récoltés avant qu’ils ne s’envolent – et d’espèces animales dociles, que les hom-mes domestiquent facilement. La ville joue depuis le rôle de grenier fortifié, dans lequel les paysans déposent leur récolte à l’abri des pillages et des aléas météorologiques. À partir du xixe siècle, on commence à démolir les fortifications des villes, car la menace, auparavant locale, est devenue nationale. C’est désormais aux limites de chaque pays que l’on fortifie, en laissant la ville sans muraille, ouverte aux faubourgs et à la banlieue, prête à se diffuser dans le territoire alentour et à urbaniser les campagnes.

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Épisode 3 : Pourquoi les petits pois sont à l’origine des cathédrales ?

Diffusion le 04 mars 2021

 À la chute de l’Empire romain, à la fin du Ve siècle, les habitants de l’Europe occidentale, dispersés sur les terres les plus reculées pour se mettre à l’abri de pillages constants, connaissent une grande faiblesse physique consécutive aux disettes et famines. La faim perpétuelle et ces faibles capacités musculaires engendrent une architecture basse et sommaire, réalisée sans dépense inutile d’énergie. Ses formes sont des réponses directes et fonctionnelles aux conditions climatiques, géographiques et physiologiques. Pendant près de 600 ans, les bâtiments sont construits en torchis, morceaux de bois et chaume. La révolution de l’an mil, qui inclut notamment l’invention de la charrue et le développement de l’assolement triennal, fait entrer les légumineuses dans l’alimentation humaine. Leur haute teneur en protéines fournit la force musculaire permettant d’élever les cathédrales parvenues jusqu’à nous. Ces édifices témoignent du lien direct et fondamental entre la forme construite, les outils et l’énergie nécessaires. À partir du XIXe siècle, le charbon et le gaz, puis le pétrole démultiplient ces capacités, qu’il faut aujourd’hui relire non seulement au regard de la dépense énergétique nécessaire, mais aussi sous le prisme des émissions de gaz carbonique liées à la construction. Ainsi, la grandeur des nefs des cathédrales gothiques doit autant à l’imagination des maçons qu’aux protéines des petits pois ; le gigantisme des gratte-ciel de la fin du XIXe siècle et des aéroports des années 2000 doit autant aux ingénieurs qu’au pétrole.

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Épisode 4 : Pourquoi les arts décoratifs sont avant tout thermiques ?

Diffusion le 11 mars 2021

Jusqu’à l’avènement des techniques de régulation thermique modernes, la décoration d’intérieur joue un rôle crucial en apportant des revêtements aux surfaces internes des constructions – qu’il s’agisse des tapisseries du Moyen Âge, des boiseries de la Renaissance, ou des tentures qui doublent les murs des pièces au XIXe siècle. Au cours du XXe siècle, avec l’amélioration des rendements des appareils de chauffage, d’éclairage puis de refroidissement, permettant toutes les audaces dans les régions aux climats les plus hostiles, ce que l’on nomme « art décoratif », c’est-à-dire ce qui relève du second œuvre du bâtiment, voire du troisième œuvre, car non porteur, non structurel – est souvent mis hors du registre des missions de l’architecture..

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Épisode 5 : Pourquoi la peur des mauvaises odeurs a fait s’élever d’immenses coupoles ?

Diffusion le 18 mars 2021

La conception d’une santé liée à l’air que l’on respire viendrait d’Hippocrate, médecin grec né au Ve  siècle. Il est redécouvert en Italie à la Renaissance, lors des premières traductions latines de ses textes, notamment Airs, eaux, lieux. Ce véritable traité d’urbanisme explique où et comment construire les villes, en fonction des vents et de la qualité des eaux. La primauté est alors donnée à la symétrie des bâtiments et à l’alignement des fenêtres pour favoriser la ventilation. Parallèlement à la réécriture néoclassique des formes architecturales, apparaissent au XVIIIe siècle des techniques de « mécanisation du bâtiment » relatives au renouvellement de l’air. Les dômes servent d’aspira-teurs à miasmes dans les hôpitaux, avant de se généraliser à tous les grands édifices publics. La théorie du mauvais air seul responsable des contagions reste répandue jusqu’au début du xxe siècle, influant notamment sur la configuration des logements collectifs.

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Épisode 6 : Comment un brin de menthe est à l’origine de Central Park ?

Diffusion le 25 mars 2021

Au XVIIIe siècle, le médecin et chimiste écossais Joseph Black établit que l’air est composé de deux gaz – que l’on appellera plus tard l’oxygène et le dioxyde de carbone. Nommant le CO2 l’air fixe, il constate en 1756 que celui-ci éteint les bougies et tue les animaux. Chimiste et physicien, l’Anglais Joseph Priestley observe quant à lui que des souris peuvent vivre plus longtemps sous une cloche fermée contenant des végétaux que sous une cloche qui n’en contient pas. Il observe également que toutes les plantes (il utilise d’abord un brin de menthe) ont le pouvoir de « nettoyer » l’air de sa part que l’on croyait toxique, c’est-à-dire de transformer l’air fixe ou méphitique (le dioxyde de carbone) en air «déphlogistiqué» : l’oxygène, découvert et dénommé plus tard par Antoine Lavoisier. Cette découverte majeure, à la base de la compréhension du mécanisme de la photosynthèse, influence les scientifiques de l’époque, qui en tirent immédiatement des leçons d’aménagement du territoire. La création de parcs en ville relève d’abord de cette volonté sanitaire : l’arbre est un « appareil » à « améliorer l’air ». À partir de la seconde moitié du XXe siècle, la connaissance des véritables facteurs de transmission des maladies réduit considérablement l’intérêt sanitaire pour les larges espaces verts plantés. Les parcs et jardins s’inventent pour satisfaire d’autres fonctions sociales et culturelles ou, plus tard, pour favoriser la biodiversité et la rétention des eaux de pluie.

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Épisode 7 : Comment l’éruption d’un volcan a créé la ville moderne ?

Diffusion le 1er avril 2021

En 1815, l’éruption dévastatrice du volcan Tambora, en Indonésie, projette dans la stratosphère un voile de poussière qui va diminuer le rayonnement solaire pendant plusieurs années et déstabiliser l’écosystème climatique mondial. Dans le golfe du Bengale, l’absence de mousson entraîne une mutation redoutable du germe du choléra, dont l’épidémie gagne Moscou. La maladie se propage en Europe à partir de 1832. L’Irlande connaît une effroyable famine, suivie d’une épidémie de typhus. Aux États-Unis, des récoltes misérables provoquent une grave crise économique. Pour vaincre la maladie, que l’on pense dans l’air stagnant des ruelles étroites, et afin de dissiper la puanteur de celui-ci, les métropoles comme Londres et Paris lancent d’importantes transformations urbaines qui marqueront la seconde moitié du XIXe siècle, notamment la planification de larges « boulevards à vent ». Le réseau d’égouts construit sous la houlette du préfet Haussmann protège incidemment les sources d’eau potable de la contamination par les eaux usées : ainsi, le choléra épargne Paris lors des épisodes épidémiques suivants. Robert Koch découvre en effet en 1883 la bactérie responsable du choléra et son mode de transmission par l’eau. Bien qu’elle n’ait causé qu’une baisse des températures de 2 °C, comme l’a révélé Gillen d’Arcy Wood en 2016 dans L’Année sans été, l’éruption du Tambora a modifié le cours de l’histoire et la forme des villes à l’aube du XXe siècle.

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Épisode 8 : Pourquoi le pétrole fait pousser des villes dans le désert ?

Diffusion le 8 avril 2021

Si l’on sait depuis la préhistoire comment réchauffer l’air de façon artificielle par le feu, il n’y avait, jusqu’au début du XXe siècle, aucun moyen technique de le refroidir – hormis de le mettre en contact avec de la glace, stockée depuis l’hiver dans des glacières souterraines ou acheminée par bateau de régions à climat froid. C’est l’ingénieur Willis Carrier, employé d’une entreprise américaine de ventilation, qui invente en 1902 l’air conditionné. Il parvient à contrôler le taux d’humidité et découvre par hasard qu’il peut aussi contrôler la température. Le procédé rafraîchit par convection – en soufflant l’air comme un vent –, mais il rafraîchit surtout par conduction, en faisant baisser sa température. Dès 1955, un Américain sur vingt-deux a l’air conditionné ; et, dans le Sud, c’est un Américain sur dix. Enfin, 90 % des bâtiments du sud des États-Unis sont dotés de climatisation au milieu des années 1970. Le nombre de climatiseurs sur la planète a triplé ces trente dernières années jusqu’à représenter, en 2016, 10 % de l’électricité mondiale consommée – avec les ventilateurs. Le développement urbain de la Sun Belt (« ceinture du soleil ») américaine, des « dragons asiatiques » (Singapour, Taiwan, Hong Kong et la Corée du Sud) et du Qatar, de Dubaï et d’Abu Dhabi est concomitant de l’installation généralisée de l’air conditionné à partir de la seconde moitié du XXe siècle. De même que le chauffage central l’a été lors du développement exponentiel des villes situées dans des régions à climat froid au cours des cinquante années qui ont précédé.

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